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Exercice d'écriture #9 : gérer les contenus problématiques

Il m'est arrivé de clamer que je n'étais pas féministe mais il faut savoir se rendre à l'évidence, je le suis. Et à mesure que ma conscience s'éveille, je prête une attention toute particulière à ce qu'on appelle "les contenus problématiques".

Les contenus problématiques : définition

Il s'agit de tout ce qui cautionne, vante ou excuse des comportements et/ou des propos qu'on ne saurait admettre. En fait, il serait plus juste de parler de "narration problématique". Un des exemples récurrents les plus flagrants est celui de la culture du viol. De nombreux livres (et autres supports artistiques) présentent une version romantique du viol et l'obtention de faveurs sexuelles par la contrainte (physique ou morale) devient alors un acte d'amour libératoire qui révèle la victime à elle-même et lui fait prendre conscience de ses sentiments à l'égard de son agresseur. De Daenerys (Trône de Fer) à Octavia (Les 100) en passant par 50 Nuances de Grey, le syndrome de Stockholm a encore de beaux jours devant lui.


On trouve par ailleurs sur Wattpad une flopée de romances basées sur le viol, la séquestration, le harcèlement ou encore le mariage forcé et l'inceste.

En quoi c'est mal ?

Dans ce cas précis, le problème, ce n'est pas d'écrire une scène de viol. Ce n'est pas non plus d'écrire une romance. Ce qui est problématique, c'est d'établir un lien de cause à effet entre les deux. Plus généralement, présenter une vision romantique ou, tout simplement, banalisée, d'actes et de propos oppressifs ou criminels, revient à une validation de ces comportements, voire une incitation. Ça vaut bien entendu pour les contenus racistes, LGBTphobes et tous les comportement haineux et/ou violents. Véhiculer ce genre de visions contribue à maintenir une situation anormale en la faisant passer pour normale, quitte à décrédibiliser les victimes.

Comment et pourquoi les éviter ?

Il ne s'agit évidemment pas de se censurer à l'extrême et de n'écrire que des choses bienveillantes, roses et sucrées. Mais si nos personnages peuvent être les pires ordures de la terre et jubiler en commettant les actes les plus immondes, il me semble important que l'auteur laisse transparaître, de façon infime mais néanmoins perceptible, sa désapprobation et marque une distance certaine avec son/ses personnage(s).


En gros, un personnage peut se marrer en tabassant un noir ou un gay, iel peut se délecter des sévices physiques et psychologiques qu'iel inflige à son époux⋅se depuis tant d'années, mais l'auteur⋅ice ne doit en aucun cas cautionner ou approuver de quelque manière que ce soit, sous peine de produire non pas un roman, mais une éloge de la haine et de la violence. Je vais m'éviter un point Godwin mais vous voyez où je veux en venir. Il est important d'être particulièrement vigilant⋅e à la façon dont on présente les choses dans nos écrits.

Un exemple

Un exemple assez flagrant de contenu problématique et dangereux, c'est la chanson "Requiem pour un Fou". Longtemps perçue comme la déclaration d'un amour absolu et passionné, cette chanson n'est que l'apologie du crime dit "passionnel", qui consiste à mettre violemment fin à la vie d'une personne qui ne partage pas ou plus nos sentiments. Et donc, oui, son contenu est problématique, et ce pour au moins trois raisons. Premièrement, il présente comme romantique le meurtre que l'on nomme depuis peu un "féminicide". Rappelons que tous les trois jours, une femme meurt des mains de son conjoint et que ce n'est en aucune façon "une magnifique déclaration d'amour". Deuxièmement, ce texte présente le même travers que les hommes qui commettent ces atrocités, et que le regard intransigeant que porte la société sur ces victimes, en les rendant responsables de leur sort. En effet, Johnny nous crie "Elle a fait de moi un fou d'amour". Je suis à peu près certaine qu'elle n'avait rien demandé. Troisièmement, le meurtrier nous crie son chagrin et son désespoir. La blague. Parler du point de vue de l'agresseur n'est pas interdit et certains contenus borderline sont tout à fait jouissifs, mais on a également le droit, et même le devoir de ne pas s’appesantir outre mesure sur les états d'âme d'un pervers narcissique violent. Faut pas déconner. On peut comprendre le bourreau - du moins, on peut essayer, mais pas l'excuser.

Exercice #9 : le bord du précipice

Loin de moi l'idée d'établir des règles et des préceptes. Je ne suis en aucun cas détentrice de l'absolue vérité. Je me contente de présenter un point de vue et d'inviter celles et ceux qui veulent à réfléchir sur le sujet.
Pour amorcer, ou poursuivre, cette réflexion sur la question, je vous propose d'écrire un texte traitant d'un contenu sensible, en essayant au mieux d'éviter cet écueil qui consiste à mettre de la beauté là où il n'y en a aucune. On peut par exemple reprendre cette fameuse chanson du point de vue de la victime, ou d'un point de vue alterné entre victime et meurtrier.

Promis, moi aussi, je vais essayer.

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